All Mecen reçoit : Mei Matthews
Il y a l’art abstrait, tellement abstrait qu’il ne procure plus de plaisir visuel à l’observateur. Mais quand l’abstraction des formes créées par la nature se met au service de ce plaisir, tout change. Le travail de Mei Matthews, grâce au hasard dont il est empreint, dégage les volutes et la volupté que seuls les liquides qui se mélangent peuvent révéler.
De quand datent tes premières créations ?
C’est avec les tests de Rorschach (les tests utilisés en psychologie pour déterminer les piliers d’une personnalité, N.D.L.R) que j’ai commencé il y a plusieurs années ! Je faisais des pliages basiques, un peu comme ceux que l’on peut faire en maternelle ! Un jour j’ai fait ça, et j’ai tripé parce que j’ai vu mille choses! J’ai trouvé ça très inspirant qu’à partir de l’imagination de chacun, tu aies différents univers qui se créent. Suite à ça j’en ai fait plein, et c’était parti !

Planche n°6 du test de Rorschach.
Comment es-tu tombée sur les tests de Rorschach ? Étais-tu une enfant un peu spéciale que tes parents auraient fait tester ?
Non, je suis une ex-sportive ! J’ai fait neuf ans de boxe full contact et de boxe anglaise, de 12 à 19 ans ; au départ je voulais vraiment faire du haut niveau. Puis l’art est arrivé et l’a emporté. J’étais plus une petite caïra boxeuse (rires) !
A force de griffonner partout sur les tables en classe, une prof m’a dit : “pourquoi ne fais-tu pas option art ?” J’ai fait option art, et de fil en aiguille, j’ai passé des concours, j’ai été acceptée, et la route s’est tracée !
Je ne suis pas fixée, tout nourrit, tout inspire.

Psamathée – Mei Matthews
Si la prof ne t’avait pas dit cela, penses-tu que tu aurais tout de même atterri sur cette route artistique ?
C’est une bonne question ! Je dessinais, donc peut-être que j’y serais arrivée quand même. Mais je ne sais pas, peut-être que quelque chose d’autre aurait pris le dessus ? Je dansais également…
Quelle est la personne ou l’artiste qui t’a le plus influencée dans ton art ?
J’aurais du mal à citer quelqu’un de précis parce que j’ai vraiment traversé différentes phases. J’ai fait une école d’art, puis de mode, puis je suis retournée vers l’art appliqué en travaillant dans le design textile, avant de finalement revenir aujourd’hui à un art plus personnel.
Lors de ma phase dessin et mode, j’ai été fan de Gabriel Moreno, un illustrateur. Quand j’ai commencé à toucher à la peinture, Pollock m’a énormément inspirée, j’ai passé des heures devant ses toiles, fascinée. Bacon également, pour ses traitements de la couleur, de la peau et de la matière.
Aujourd’hui, je m’intéresse beaucoup à l’art numérique et à des choses plus expérimentales.
Donc finalement, c’est assez mouvant ! Je ne suis pas fixée, tout nourrit, tout inspire. Les muses changent, évoluent. Elles forment une sorte de package qui grossit au fil des années, des rencontres, des expérimentations…
Je peins souvent la nuit, puis je vais me coucher, et je laisse place à l’évolution hasardeuse de la peinture.

Ecchymose lobe droit – Mei Matthews
Est-ce la raison pour laquelle tu travailles avec de nombreux matériaux différents ?
C’est un fil rouge de mon travail, de ma recherche. Quand j’étais dans le design et le textile, j’aimais travailler avec la matière. Aujourd’hui, ce qui m’attire c’est vraiment l’eau et la lumière.
Pendant des années, j’ai beaucoup travaillé sur les couleurs, c’était une part très importante de mon travail. Je m’intéresse beaucoup à la physique quantique, les vibrations, les ondes, les fréquences et les différents états de l’eau.
Tous les mécanismes inconscients, les sentiments, la vibration d’une couleur et la manière dont on la ressent, sont des cordes que j’ai envie de faire vibrer chez le spectateur. Embarquer l’observateur dans quelque chose, que cela lui plaise ou non. Même quand quelqu’un me dit “je n’aime pas”, ça me plaît, bizarrement. Parce que ça veut dire que cela a suscité une émotion.
Aujourd’hui, j’ai un peu mis de côté la couleur pour plus travailler le côté organique.
Je continue de chercher et de découvrir de nouvelles techniques tous les jours, c’est ce qui fait que ce n’est jamais fini ! (rires)

Larme salée – Mei Matthews
C’est vraiment de la recherche pour toi, de l’art expérimental…
Oui, même si parfois je suis obligée de m’arrêter. Je suis obligée de dire stop pour pouvoir passer à autre chose, exposer, ou simplement mettre un point final. Chaque medium m’apporte des informations sur le prochain, notamment sur des techniques que je voudrais appliquer ou pas lors de mes prochains travaux.
Si on avait la science infuse et trouvé LE truc, il n’y aurait presque plus d’intérêt. On serait des machines à faire uniquement de la copie, de la série et de la commande.

Natasha – Mei Matthews
Comme disait Paul Toupet, le plasticien que nous avions reçu pour une interview, une erreur peut faire la différence dans le bon sens du terme…
Oui, tout à fait. L’erreur ou l’accident devient quelque chose de très intéressant. Une notion que j’aborde souvent est celle du hasard. Avec l’eau, l’encre, c’est constant. Le temps de séchage avec ce genre de matériaux est très long.
Je peins souvent la nuit, puis je vais me coucher, et je laisse place à l’évolution hasardeuse de la peinture. Les couleurs se mélangent, se figent ou justement s’étendent…
J’aime laisser place au hasard, car c’est là qu’il y a de belles surprises ; cela permet aussi de sortir du cadre et d’envisager les choses autrement. Ces surprises matinales m’apportent beaucoup.
Crées-tu en écoutant de la musique ?
Soit j’écoute de la musique, soit des reportages, soit l’abécédaire de Deleuze, ou encore des livres audio et des cours de langues.
Quand mon copain passe devant l’atelier, il m’entend souvent chantonner (plutôt faux) car j’ai mes écouteurs et que je me laisse aller.
La musique m’aide à entrer dans ma bulle. Il peut me falloir parfois trois heures avant de rentrer dans cette fameuse bulle.

Khnoum – Mei Matthews
Y a-t-il un projet dont tu rêves ?
Cela fait plusieurs années que je mature l’idée d’une exposition mettant en scène l’eau et la lumière à travers des installations articulées et actionnées par le spectateur… Je n’en dis pas plus pour le moment … work in progress !
X ou Y

Placenta – Mei Matthews
France ou Angleterre ?
Angleterre … et France (impossible de choisir un seul pan de mon métissage)
Tu peux t’expliquer ou pas, argumenter ou pas…
Plutôt pas …
Science ou Religion ?
Aaah ! Ça…bon … Science
Métropole ou DOM ?
Métropole. (rires)
Solitude ou Compagnie ?
Solitaire solitude chérie sans hésitation.
Monet ou Van Gogh ?
Van Gogh.
Je peux te demander pourquoi ?
Euhm… l’absinthe !
Noir ou Blanc ?
Noir.
Philosophie ou Mathématiques ?
Philosophie.
Humain ou Animal ?
Humain.
Libre arbitre ou Fatalisme ?
Libre arbitre.
Propos recueillis par Jean Boutros Younes.
Retrouvez Mei Matthews sur all{mecen :
https://www.allmecen.com/main/profiles/MeiMatthews/about

Laomédiée – Mei Matthews