All Mecen reçoit : Olivia De Bona
Olivia De Bona dessine pour réconforter. Dans son univers empreint de symboles où l’animal côtoie le sensuel et l’humain, l’artiste explore en douceur les sujets sensibles et la fragilité des relations.

Camille – Olivia De Bona
D’où vient ton nom, “De Bona” ?
C’est italien. Selon Jo Di Bona, street artist italien très célèbre en ce moment et que j’ai croisé récemment, cela pourrait venir de Di Bona puis avoir été francisé, ce qui se faisait beaucoup à une certaine époque. Je suis un quart italienne et un quart vietnamienne. Et aussi un quart aveyronnaise ! (rires)
Es-tu allée en Italie et au Vietnam ?
Au Vietnam pas encore. C’est l’un des voyages que j’ai vraiment envie de faire. J’aimerais beaucoup m’y rendre avec un projet artistique, ne pas y aller juste pour y aller. Je veux y rester un ou deux mois. L’Italie, je connais déjà un peu plus.
A quel âge as-tu commencé à créer ?
J’ai commencé à dessiner dès l’enfance. Très tôt ça a été un objectif dans ma vie, de « faire ça quand je serai plus grande ». Quand j’étais petite, on habitait en banlieue parisienne et je voyais beaucoup ces gars qui vendent leurs dessins par terre dans le métro. Ma mère m’a répété plusieurs fois que je n’arrêtais pas de dire : « Je veux être comme eux, je veux être artiste peintre ! ». A l’époque, je ne comprenais pas qu’ils galéraient ; dans ma tête, ils vendaient juste leurs dessins et cette idée me plaisait.
Je suis rentrée dans le vif du sujet au lycée, où j’ai fait de l’art appliqué, section STI. Je me suis éloignée de toutes les autres matières à ce moment-là, et c’est devenu une évidence que je devais exercer dans ce domaine, parce qu’au final je ne savais plus faire grande chose d’autre que ça ! (rires)
On a tous en nous des enfants à rassurer, à réconforter.

Lino Calin – Olivia De Bona
Désormais, arrives-tu à gagner ta vie avec ton art ?
Oui, parfois chichement à cause de certains choix artistiques que j’ai faits ces deux dernières années. Récemment j’ai mis plus en avant mon travail personnel et du coup dit « non » à pas mal de clients. Ça a été un peu galère financièrement et je ne gagne pas encore très bien ma vie en ce moment, mais c’est en train de repartir !
J’essaye de trouver l’équilibre entre le travail pour les marques et mon travail perso, le bon compromis. C’est un problème qu’on a tous : quand tu as besoin de thune, tu rentres dans une agence… Et ça empiète beaucoup sur tout ton travail de création qui prend énormément de temps.
En termes de message(s), as-tu du mal à travailler avec les marques ?
Non, les marques jouent bien le jeu. Elles me laissent la liberté dont j’ai besoin. Et quand ce sont elles qui viennent vers toi, cela veut dire qu’elles connaissent ton univers artistique et le respectent.
Certains de tes dessins font penser aux dessins animés, font-ils partie de tes influences ?
Oui, je viens de là. C’est notre culture des années 80. C’est dur à dire mais la télévision fait partie de notre patrimoine (rires). Après mes études d’art appliqués, j’ai fait une formation de dessins animés à Roubaix. J’étais partie pour en faire mon métier mais dès mon 1er stage, j’ai réalisé que ce n’était pas pour moi : tu restes bloqué dans la hiérarchie, tu te spécialises et tu ne fais plus que ta spécialité. J’avais besoin de toucher à tout.

Julie – Olivia De Bona
Quelles sont tes motivations pour continuer de créer ?
L’une de mes influences principales reste les contes de fées que j’ai pu lire petite. J’ai senti très vite -et j’en ai eu la confirmation après en lisant des analyses- que les contes étaient essentiels dans l’enfance : ils touchent à des sujets tabous ou que l’enfant ne comprend pas, et l’apaisent. Cela m’a parlé parce que les contes m’ont servi en tant que petite fille.
J’ai donc envie de continuer à raconter des histoires pour apaiser moi-même d’autres personnes. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé par faire des illustrations pour enfants, parce que ça ne s’arrête justement pas aux enfants ; on a tous en nous des enfants à rassurer, à réconforter.
Ce qui est très important dans mon travail, c’est d’apporter du réconfort par les images.
Quand tu parles de sujet tabou, fais-tu référence à un sujet en particulier ?
Dans les contes, il y a des sujets tabous. Dans mon travail, il n’y en a pas vraiment, mais j’aborde l’érotisation, le changement du corps de la femme ; des problématiques finalement assez personnelles. Étonnamment, plus elles sont personnelles, plus elles touchent de gens.
Ce qui est très important dans mon travail, c’est d’apporter du réconfort par les images. Mes images sont narratives : quand on les voit, on se raconte soi-même l’histoire.

Sieste – Olivia De Bona
Les animaux sont omniprésents dans tes travaux. On s’imagine que tu aimes ça de manière générale ?
Étonnamment, pas particulièrement. Mes animaux ne sont pas vraiment des animaux mais des représentations totémiques de caractéristiques humaines, souvent masculines, ou parfois de moi-même, en fonction de ce que j’ai besoin d’exprimer. Par exemple, si j’ai besoin d’une présence rassurante, il y’aura un ours.
Je viens d’une famille où les animaux n’étaient pas aussi bien accueillis que par les gens qui aiment réellement les animaux, qui ont un rapport très fort avec eux. J’ai finalement appris assez récemment à me connecter avec eux et leur espèce d’énergie pure.

Baiser – Olivia De Bona
Es-tu végétarienne ?
Non, mais je ne suis pas une grosse mangeuse de viande (rires).
Si tu n’avais pas pris le chemin de l’art, que serais-tu devenue ?
J’aurais peut-être fait des maths. J’aimais bien ça. Et j’aime bien comprendre. Sinon de la psychanalyse, qui m’intéresse également beaucoup ; réfléchir à des choses compliquées et les résoudre.
Tu fais une psychanalyse ?
Oui, cela fait dix ans, je commence à en avoir un peu marre (rires). Mais je continue de creuser et j’apprends toujours des choses !
A choisir, préfères-tu que ton œuvre provoque de l’indifférence ou une réaction négative ?
Une réaction négative. C’est même plutôt intéressant. Dans la gêne ou le malaise, il se passe quelque chose, et tant qu’il se passe quelque chose, ça me va. Je pense qu’on est là pour ça, même si j’ai une affinité pour les images séduisantes qui sont dans le positif, qui font du bien.
Quels sont tes futurs projets ou ceux dont tu as envie de parler ?
Je vais bientôt participer à une exposition sur le thème d’Alice aux pays des merveilles. Elle aura lieu à Montreuil avec deux autres artistes. J’y exposerai des dessins, mais aussi des céramiques, ce qui est tout nouveau pour moi ! J’aime l’idée de toucher à de nouvelles techniques artisanales, et de mettre la main à la patte, de modeler la terre. Créer son propre objet donne une certaine satisfaction. Le fait de constamment penser à la manière dont ton oeuvre va être reçue est un piège très courant dans le milieu artistique qu’il faut vraiment éviter, parce que cela t’oriente. Et l’artisanat te permet d’être toi-même : c’est un accomplissement, peu importe si ça plaît ou pas.
Un autre projet d’envergure se prépare et se tiendra à Lille. C’est la rétrospective du 9e Concept, un collectif d’arts urbains avec qui je collabore depuis pas mal d’années.

Nuit – Olivia De Bona
Tu préfères te retrouver coincée une heure dans un ascenceur avec 10 personnes malades ou avec 10 bébés qui pleurent non-stop ?
Ah, bonne question… De quoi les personnes sont-elles malades ?
Ce ne sont pas des maladies graves, mais contagieuses.
Ah, si c’est contagieux je préfère les bébés ! Il y a peut-être moyen de les calmer…? Au pire tu deviens fou pendant une heure et ensuite tu es bon ! Alors qu’avec les malades les conséquences viendront après et seront plus longues ! (rires)
X ou Y
Chien ou chat ?
Chat.
Rêve ou réalité ?
Rêve.
Raison ou superstition ?
Raison.

Olivia De Bona
Noir ou blanc ?
Euh…pfiou. Blanc ?
Sensuel ou sexuel ?
Sensuel !
Coquillage ou crustacé ?
Crustacé (rires).
Lune ou soleil ?
Lune.
Célébrité ou postérité ?
Postérité.
Balavoine ou Brassens ?
Argh ! (rires) Euh… Joker. J’aime bien les deux. Brassens j’adore l’écouter, pour ses mots et jeux de mots. Balavoine je ne l’écoute pas souvent, mais la force qu’il y a dans ses paroles fait que je ne peux pas ne pas le choisir non plus ! Mais j’écoute plus Brassens quand même !
Fatalité ou libre arbitre ?
Libre arbitre… Ouais.
Propos recueillis par Jean Boutros Younes le 19 septembre 2016.
Retrouvez Olivia De Bona sur les sites suivants :
http://oliviadebona.ultra-book.com/

Olivia De Bona

Olivia De Bona

Olivia De Bona